En vigueur depuis le 19 décembre 2012, le chapitre VIII - Bâtiment du Code de sécurité (CBCS) de la Loi sur le Bâtiment a amélioré les obligations quant à l’exploitation sécuritaire des bâtiments.
Souvent appelé “Loi 122”, ces ajouts au Code oblige les propriétaires à agir diligemment afin de s’assurer de la sécurité des personnes occupant l’immeuble ou celles qui circulent à proximité.
Parmi les nouvelles exigences, cet article traite des dispositions de la section VI soit :
Des dispositions relatives à l’inspection et à l’entretien des façades des bâtiments d’une hauteur de cinq étages ou plus;
Des dispositions relatives à l’inspection et à l’entretien des parcs de stationnement.
Comme c’est trop souvent le cas, ces nouvelles obligations viennent en réponse à des catastrophes ayant causé des dégâts physiques importants ou même, dans certains cas, la mort :
Ces événements tragiques ont poussé le gouvernement à agir afin de mettre en place des règles obligeant les propriétaires commerciaux ou résidentiels à s’assurer du caractère sécuritaire des infrastructures qu’ils détiennent.
Depuis l’entrée en vigueur de ces nouvelles obligations en 2015, plusieurs entreprises offrent leurs services d’inspection afin de permettre aux propriétaires d’immeubles de répondre aux exigences. Nous constatons que des informations parfois contradictoires sont transmises lors du processus du choix de la firme d’inspection, laissant le client face à un choix difficile compte tenu des prix très variables. Cette variabilité s’explique simplement : un guide rédigé par la Régie du Bâtiment (RBQ) communique des exigences différentes de celles du Code. Dans cet article, nous tenterons de faire la lumière sur ces disparités.
Disposition relative à l’entretien des façades
La Section VI du Chapitre 8 du CBCS détaille point par point les exigences relatives au règlement pour l’inspection des façades au niveau du ‟ Quand? Comment? Qui? ”. La RBQ a cependant aussi rédigé un guide explicatif complet afin d’accompagner les propriétaires pouvant être moins aguerris de ce type d’exigence. Ce guide, bien que réalisé avec bonne volonté, a embrouillé plusieurs propriétaires sur les bases de certaines exigences.
Tout d’abord, les deux documents rédigés par la RBQ s’entendent parfaitement sur le contenu voulu du rapport de vérification. Il est donc facile pour les propriétaires d’obtenir un rapport complet et conforme.
Là où il y a une discordance majeure, et où tous les professionnels ne s’entendent pas, c’est au niveau des ouvertures exploratoires.
À cet effet, le guide de la RBQ mentionne :
Les éléments dissimulés (linteaux, ancrages, etc.) doivent être vérifiés afin de connaître leur état de conservation. Pour accéder à l’arrière du revêtement de la façade, le professionnel liste les endroits où une percée exploratoire est nécessaire; des percées exploratoires doivent être pratiquées sur chaque façade, même si elle ne présente pas de signes de faiblesse apparents […]
Pour avoir un portrait le plus réaliste possible de l’état d’une façade et affirmer qu’elle ne présente aucune condition dangereuse, des percées exploratoires devront être pratiquées dans celle-ci, même si le bâtiment est récent (moins de 10 ans) et même si aucune anomalie n’est détectée lors de l’inspection visuelle. Ces percées exploratoires seront essentielles pour connaître l’état des ancrages, des linteaux et pour déceler les infiltrations d’eau qui ne sont pas apparentes en surface.
Alors que le Code, plus précisément à l’article 378, mentionne :
Pour la production du rapport de vérification des façades d’un bâtiment, un examen de chaque façade du bâtiment doit être effectué. Le choix des méthodes de vérification est de la responsabilité de l’ingénieur ou de l’architecte et il commande tout test, examen et mise à l’essai qu’il juge nécessaire.
Cette discordance a été largement discutée entre les professionnels du milieu. Toutefois, la conclusion générale des discussions que nous avons eue avec la RBQ est que la réalisation des ouvertures exploratoires est laissée au bon jugement du professionnel qui met en jeu sa responsabilité professionnelle. C’est d’ailleurs pour cette raison que seul un architecte ou un ingénieur peut diriger une telle inspection.
Dans plusieurs cas, nous croyons que le gain de pratiquer des ouvertures exploratoires n’en vaut pas le coût (qui est très élevé), comme c’est souvent le cas pour des bâtiments de construction récente ne présentant aucune preuve ou indice de déformation ou d’endommagement prématuré. Il va toutefois sans dire que de pratiquer des ouvertures exploratoires de manière périodique lorsque les bâtiments en présentent le besoin, afin de tenir un registre garni d’informations pertinentes sur les composantes des façades, est primordial.
Disposition relative à l’entretien des parcs de stationnements
Comme c’était le cas pour le règlement relatif aux façades des bâtiments, le texte du Code détaille bien le contenu obligatoire du rapport d’inspection quinquennale réalisée par un professionnel autorisé (ingénieur, architecte). Le Code demande également une inspection annuelle obligatoire. Toutefois, celle-ci peut être réalisée par un inspecteur ou un utilisateur du parc, et non obligatoirement par un professionnel.
Encore une fois, suivant plusieurs discussions avec des professionnels du milieu ainsi qu’avec la RBQ, une discordance est fréquemment soulevée entre ce qui est rendu au propriétaire comme rapport d’inspection et ce qui devrait légalement s’y retrouver.
Par exemple, la capacité portante d’un stationnement est propre à la conception de celui-ci. Sans les plans de construction, l’obtention d’une telle valeur peut représenter, à elle seule, quelques milliers de dollars. Il faut connaître l’emplacement des barres d’armature dans tous les éléments structuraux composés de béton (dalle, poutre, colonne, etc.), le type de béton utilisé durant la construction, et les détails de construction comme la largeur des semelles. Toutes ces données peuvent être obtenues, mais à quel prix ?
Dans le même ordre d’idée, le rapport doit aussi contenir les caractéristiques du béton et l’état d’activité de la corrosion des armatures. Tout d’abord, il faut savoir que « les caractéristiques du béton » est un terme très large qui pourrait comprendre une multitude de caractéristiques des plus utiles au plus inutiles pour le type d’inspection demandé par le Code. De plus, l’obtention de ces caractéristiques nécessite inévitablement de prélever des échantillons par carottage afin d’obtenir des données probantes obtenues selon les normes en vigueur par des analyses en laboratoire. Paradoxalement, la prise d’échantillons par carottage n’est pas obligatoire selon le Code, elle est plutôt implicitement requise. Par contre, selon nos discussions avec la RBQ, il serait encore du ressort du professionnel de poser le bon diagnostic et ainsi engager sa responsabilité professionnelle. Par conséquent, nous croyons que le carottage est les analyses en laboratoire devraient être faites selon le besoin et au bon jugement du professionnel.
Conclusion
En somme, malgré que les nouvelles obligations par rapport à l’inspection des façades et des parcs de stationnements soient en vigueur depuis 2015, plusieurs zones grises demeurent 6 ans plus tard. Ce qu’il faut retenir, selon nos discussions avec la RBQ, est que ces zones grises existent pour donner une marge de manœuvre au professionnel afin qu’il puisse juger de la pertinence de pratiquer des ouvertures exploratoires ou la prise d’échantillons par carottage, par exemple. Après tout, le professionnel engage sa responsabilité et a pour mission première la protection du public.
Le professionnel à qui vous demandez une soumission vous demande vos rapports d’inspection existants ? Il veut faire une visite rapide des lieux avant de vous faire une offre de services ? C’est bon signe ! Ceci démontre qu’il veut vous proposer un programme d’inspection adapté aux besoins de l’immeuble et non appliquer une recette toute faite qui pourrait vous coûter plus cher sans ajouter de valeur à l’exercice.
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